jeudi 6 octobre 2011

Constituante 2011 : Ou va la Tunisie ?

Neuf mois après la chute du régime de Zine el Abidine Ben Ali, le pays initiateur des révolutions arabes s’apprête à se rendre aux urnes pour élire une assemblée constituante.


Les Tunisiens s'apprêtent à faire l'apprentissage de la démocratie. Le 23 octobre les électeurs participeront pour la première fois à des élections libres pour désigner l'Assemblée chargée de rédiger la Constitution de la IIe République.

Longtemps confrontés à l'hégémonie d'un parti unique, les Tunisiens auront à faire un choix difficile parmi une multitude de partis et de candidats indépendants, la plupart méconnus des électeurs. Face à cette profusion, les Tunisiens restent dubitatifs et indécis, même si les cinq ou six formations politiques historiques devraient rafler le plus gros des sièges de la constituante, selon les observateurs et les derniers sondages --interdits depuis samedi dernier.

Sur les 111 partis légalisés dans leur grande majorité après "la révolution du 14 Janvier", 81 seront en lice dans les 33 circonscriptions électorales (dont six à l'étranger) pour ce scrutin à la proportionnelle. Selon les dernières statistiques de l'Instance supérieure indépendante pour les élections (ISIE), 1.541 listes comprenant près de 11.000 candidats se disputeront les 217 sièges de la future Constituante.

S'il est difficile de prévoir où va la Tunisie dans le contexte actuel, il est néanmoins possible d’identifier quelques orientations électorales. C’est ce qu’a voulu démontrer le Think Tank Emergens/Rabii-Tounes, en organisant un débat à Paris, afin de positionner 3 des principales formations politiques : Ennahdha, Ettakatol et Parti Démocratique Progressiste (PDP).

Chaque intervenant a présenté son programme et a souligné les points de convergence avec son voisin. Le représentant d’Ennahda Samir Dilou a affirmé que l’idéologie de son parti est aujourd’hui en conformité avec les exigences des temps modernes, il fait même état de modestie : « Nous ne voulons pas être les seuls au pouvoir », assure-t’il. Car à la veille de la Constituante, Ennahda est en tête de tous les pronostics. Les islamistes jouissent en effet d’une grande notoriété et s'appuient sur le plus important réseau de soutien dans la société.

Durant le débat, Samir Dilou a évité les sujets controversés et inquiétants quant aux changements que le parti islamique prévoit dans la société tunisienne, si Ennahda obtenait la majorité. Le discours est uniquement orienté sur l’éradication de la corruption et le droit à l’emploi pour les Tunisiens. Des thèmes qui ont alimenté la révolution du 14 janvier.

Sahbi Grira, le représentant du PDP a axé son discours sur "deux grands programmes": création d'emploi et développement des régions intérieures du pays. Le PDP prône une politique d'investissements publics massifs, de soutien aux PME, et vise le doublement des investissements directs étrangers en Tunisie en assouplissant les textes les régissant. En matière sociale, le PDP a plaidé pour une "fiscalité équitable", notamment par la création d'une "TVA solidaire" et la revalorisation du salaire minimum (Smig) à 340 dinars.

Ettakatol, a travers son chef de file pour la circonscription France Nord Selim Ben Abdessalem, s’est engagé a adopter une orientation politique renforçant la démocratie et la lutte contre les inégalités sociales et régionales. Parmi les autres thématiques abordées par le candidat, citons l’égalité femmes /hommes, la séparation du politique et du religieux et l’accès à la culture pour tous, même dans les régions les plus reculés. Ettakatol a proposé également de consacrer environ un milliard de dinars, prélevé sur le budget de l'Etat de l'année 2012, à la création de 100.000 emplois dans le secteur public, une solution d'urgence pour réduire le chômage des jeunes.

La discussion s’est animée lorsque le modérateur a demandé s’il existait un pacte entre Ennahda et Ettakatol comme le prétendait le PDP. En effet, le nom de Mustapha Ben Jaafar serait cité pour succéder à l’actuel président par intérim Foued Mbazaa après les élections du 23 octobre. Bien que la question fût claire et directe, la réponse de Mustapha Ben Jaâfar, présent lors du débat, était imprécise et évasive. Il ne dit pas qu’il va accepter une alliance avec Ennahdha, mais il ne rejette pas non plus, à l’instar du PDP.

Toutefois, les trois formations politiques présentent au débat n’ont pas su répondre aux interrogations des Tunisiens présent dans la salle sur le texte fondamental d'organisation des pouvoirs publics du pays. Quelles seront les modalités de rédaction de la future constitution ? Quelles seront les préférences des partis sur les portefeuilles ministériels à pourvoir ? C’est sur ce premier aspect que la Tunisie devra relever le défi de la démocratie.

Illustration : les logos des partis tunisiens ; cartographie des partis tunisiens (Fhimt.com).

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