mardi 18 octobre 2011

Tunisie : Tensions entre islamistes et laics avant les élections


A l’heure où Ennahdha apparaît comme la force politique la mieux structurée du pays, l’inquiétude gagne les rangs des militants laïcs quant au danger que constituerait une éventuelle remise en question du projet moderniste du pays.

Depuis une semaine, un face-à-face à distance entre «laïcs» et «religieux» met mal à l'aise la classe politique, car elle recentre le débat sur la place de la religion au cœur de la campagne. En effet, tout a commencé par la diffusion du film d’animation franco-iranien Persepolis par la chaine Nessma. Le film contient une représentation de Dieu - ce que l’islam proscrit – et a causé un tollé parmi les spectateurs. Vendredi, après la fin de la prière, des milliers de salafistes sont montés vers la Kasbah. Le cortège se composait de quelques d'intégristes réclamant le retour aux sources de l'islam et l'instauration d'un califat. Devant la polémique, Nabil Karoui, le patron de Nessma, a été contraint de présenter ses excuses aux Tunisiens. Il fait aussi l’objet d’une procédure judiciaire, de même que ceux qui ont traduit le dessin animé en arabe.

En réplique à la mobilisation des islamistes, le camp laïque a organisée dimanche, une marche pour la défense de la liberté d’expression. Placée sous le mot d'ordre "Aâtakni" ("fous-moi la paix"), près de 2500 personnes ont réclamé un Etat civil après les élections. «La Tunisie pour tout le monde. Oui à un État civil», scandaient la foule. Dans le cortège, les femmes étaient très présentes. Certaines ont la bouche bâillonnée par du ruban adhésif. «Toutes les femmes tunisiennes ont peur pour leurs filles, leur liberté», explique une manifestante. « Je me battrais jusqu'à la mort », jure Lilia, professeur de philosophie. A noter que peu de femmes voilées ont rejoint le cortège. Pour la plupart des manifestants, l'initiative de Nessma TV est qualifiée de «maladroite». « Ce n’est pas grave du tout, car tout le monde s’est déjà fait une représentation de Dieu dans sa tête », explique Sofiane, 39 ans.

Depuis l’affaire Persepolis Ennahda qui est présenté comme les favoris des élections reste sur ses gardes. Et les deux principales formations de centre gauche, Ettakatol et le Parti démocrate progressiste restent étrangement silencieuses. Toutefois ce clivage entre «laïcs» et «religieux» gêne la nouvelle classe politique, qui cherche à dégager des consensus pour réussir la transition vers la démocratie. On sent qu'il ne faudrait pas grand-chose pour que la transition démocratique, exemplaire jusqu'à présent, dérape. Nombreux sont les Tunisiens qui retiennent leur souffle.

Ennahdha est-il vraiment une menace pour la Tunisie? Une certitude: même si ce parti arrive en tête il n'aura pas la majorité à lui tout seul. Impossible avec le mode de scrutin. Force est de constater que, a cinq jours de ce rendez-vous électoral historique et crucial, rares sont ceux qui sont réellement convaincus par un choix de vote. Beaucoup ignore que l’enjeu principal de cette Assemblée est la rédaction d’une nouvelle Constitution qui préservera les libertés des citoyens et évincera tout retour possible de la dictature. Car la première préoccupation des Tunisiens est surtout économique.

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