jeudi 28 avril 2011

A Paris, des migrants tunisiens loin de l’eldorado

L’air hagard et fatigué, les migrants tunisiens sont des dizaines à errer dans les rues du 19ème arrondissement de Paris depuis que la police les a chassés la veille, mercredi, du parc de la Villette. Ces Tunisiens fraîchement arrivés de Lampedusa sont dispersés dans les rues et les parcs du nord est parisien.

Sami* et Farid* sont arrivés dans la capitale il y a une quinzaine de jours. Ils ne parlent pas français. Pour ne pas attirer l’attention de la police et des riverains, ils évitent d’être dans des groupes. Farid vit dans un foyer associatif, il ne parvient pas à joindre des membres de sa famille : « depuis que je suis arrivé, j’appelle mais je tombe sans arrêt sur messagerie. » dit-il avec amertume. Son ami habite chez son frère à Belleville. Mais nombreux sont les migrants qui dorment dehors.

Ces amis d’enfance originaires de Zarzis dans le sud de la Tunisie ne sont pas venus ensemble. « J’ai fait le voyage avec la journaliste qui a fait un reportage pour Envoyé Spécial » dit Sami qui parle d’un périple éprouvant. Pour Farid, la traversée a été longue, il a mis 48 h pour atteindre Lampedusa.

Suite aux troubles qui ont précédé la fuite de Ben Ali le 14 janvier dernier, Farid s’est évadé de prison. Il restera vague sur les raisons de son incarcération mais il est sûr de lui :
« je ne retournerais plus jamais en Tunisie. Du moins tant que la justice restera la même » confie t-il. Le jeune homme a trop peur de son passé.

Arrivé dans le pays des droits de l’Homme, ils n’imaginaient pas un accueil et des conditions de vie aussi rudes. Ils ne se doutaient pas non plus que leur quotidien serait fait de faim et de misère. Ils espèrent trouver du travail rapidement pour retrouver une certaine dignité et mettre fin à ces longues journées de marche dans Paris pour échapper la police.

Deux hommes appartenant à la secte des Témoins de Jéhovah sont allés à la rencontre de ces sans papiers. Les deux jéhovistes prêchaient en arabe auprès de ces Tunisiens perdus. Farid et Sami n’ont jamais entendu parler de cette religion. « Ils croient qu’on va devenir chrétiens » plaisante Farid. « Les Tunisiens ne tomberont pas dans ce panneau ».

Depuis la révolution, plus de 20 000 personnes ont quitté la Tunisie pour rejoindre l’Europe. Des migrants de sexe masculin pour la plupart mais aussi des femmes. D’après de nombreux témoignages, certaines villes du Sud tunisien se sont vidées de leurs hommes. Face à cette nouvelle vague migratoire, la France et l’Italie ont vu leurs relations se tendre. Les deux pays demandent à l’Union Européenne une révision de l’accord de Schengen.



Olfa Khamira & Fella Adimi


Aussi disponible sur le blog de Fella Adimi : http://fellaadimi.wordpress.com/

* Les prénoms ont été modifiés

jeudi 14 avril 2011

Où en est la Tunisie, trois mois après la chute de Ben Ali?



Les Tunisiens respirent la liberté et aspirent à un lendemain meilleur. Trois mois après la révolution, « C’est Olfa qui le dit » vous propose un petit bilan de la situation.


Le dictateur
Depuis sa fuite le 14 janvier dernier, Zine el-Abidine Ben Ali est en exil en Arabie Saoudite en compagnie de son épouse Leïla en dépit d'un mandat lancé à travers Interpol. Une demande d'extradition adressée par Tunis est restée sans réponse. Plusieurs membres de sa famille et de sa garde rapprochée ont été arrêtés. Sa police politique et le parti qu'il dirigeait, le RCD ont été dissous. Ben Ali fait l’objet de dix-huit actions en justice pour « complot contre la sûreté de l’Etat, l’homicide volontaire et l’usage et le trafic de drogues ».

La liberté d’expression
Naguère muselée, la presse est redevenue libre. Mais, dans un espace en révolution, les médias traditionnels tunisiens sont désormais très critiqués. La presse écrite a du mal à se débarrasser de réflexes conditionnés par vingt-trois années de dictature. Un traitement de l'information en deçà de la hauteur des évènements, avec une tendance à mettre en avant le sensationnel et la frivolité au détriment de l’investigation et du travail sur terrain. Pour l'instant, c'est le même paysage médiatique, les mêmes radios et les mêmes télévisions qui existaient sous Ben Ali mais avec cette différence que le débat devient pluriel, des visages interdits apparaissent et s'expriment librement.

Transition démocratique
Le processus de transition vers la démocratie est engagé. Les Tunisiens éliront une Assemblée constituante le 24 juillet au suffrage universel direct. L’objectif principal de la Constituante est de rédiger une nouvelle Constitution d’une part et également choisir un type de régime. Les droits et libertés de l’individu doivent être proclamés, garantis et sanctifiés par la Constituante. La Haute commission chargée de préparer les élections a opté pour un scrutin de listes à la proportionnelle et de la parité hommes-femmes. A l’heure actuelle 51 partis se sont présentés en vue de l’élection mais les tunisiens connaissent très peu de partis mis à part celui de Ben Ali le RCD et le parti intégriste Ennhada.

Les islamistes
Bannis sous Ben Ali, les islamistes prennent doucement leur place sur l'échiquier politique tunisien. Légalisé le 1er mars, le mouvement Ennahda a affirmé qu’il ne s’opposait pas au CNP (Code du statut personnel), tout en défendant le voile. Le parti islamiste présentera des candidats aux élections du 24 juillet. Plusieurs experts s'attendent à ce qu'ils remportent un nombre important de sièges. La ré-islamisation de la société tunisienne, réelle depuis le début des années 2000, s'est surtout fait via le discours wahhabite diffusé par les chaînes satellitaires du Golfe. Reste à savoir quelle est son audience dans la Tunisie d'aujourd'hui.

L'économie
C'est à ce chapitre que le bât blesse. Les récents événements ont ralenti l'économie tunisienne, fortement dépendante du tourisme. Le pays est depuis trois mois dans une conjoncture économique et sociale très délicate, au rythme de la « dégagemania » pratiquée à tort et à travers. L’économie peut encore résister à cette décélération de la machine productive à condition que la situation générale ne s’aggrave pas. Il s’agit donc d’œuvrer pour rétablir la sécurité, la stabilité et la confiance. Pour cela, la réussite de l’élection du 24 juillet va être déterminante.
Si la liberté et la dignité demeurent aujourd'hui incontestablement les premiers acquis à conserver, l'économie et la croissance sont indispensables pour garantir la survie de la révolution.

mardi 12 avril 2011

Egypte: la place Tahrir de nouveau mobilisée



Deux mois après la chute du régime, les Égyptiens sont à nouveau descendus dans la rue, pour exiger le procès de l'ancien « raïs » et l’accélération de la transition à un pouvoir civil.

Il y a deux mois à peine, les Égyptiens voyaient l'armée comme une alliée qui les a aidés à tourner la page sur les trois décennies de l'ère Moubarak. Cette lune de miel est définitivement terminée. Vendredi, pour la première fois depuis la chute de Hosni Moubarak, 100.000 protestataires massés au centre du Caire ont scandé des slogans hostiles aux militaires et réclamé le départ du maréchal Mohammed Hussein Tantaoui, chef du Conseil suprême des forces armées. L'intervention musclé de la police militaire pour évacuer la place occupée par les manifestants, on fait un mort et 71 blessés selon un bilan officiel.

Amnesty International a dénoncé "l'usage excessif de la force par l'armée égyptienne", citant sur la foi de témoignages l'usage de matraques électriques et l'envoi de véhicules blindés qui ont fait de nombreux blessés en entrant dans la foule. L'armée a nié avoir agi avec brutalité et démenti des accusations selon lesquelles elle aurait ouvert le feu sur des manifestants. Elle les a qualifiés de "hors-la-loi" en laissant entendre qu'ils pourraient agir à l'instigation de partisans de Moubarak.

Or, une partie de la jeunesse égyptienne soupçonnent l’institution militaire de protéger Hosni Moubarak et ses proches. A plusieurs reprises ces dernières semaines, l’armée a tenté de mettre au pas ces irréductibles qui exigent de faire table rase du régime. En témoigne la fermeté dont elle a fait preuve dimanche, en faisant condamner à trois ans de prison un simple blogueur accusé d'avoir « insulté » l'institution militaire.

Si l’armée jouit encore d’une certaine popularité au sein de l’opinion, son indulgence vis-à-vis de Moubarak pourrait lui faire perdre son crédit. Face à la pression populaire, le ministre de l'Intérieur, Mansour al-Issawi, a annoncé que l'ex-président égyptien ainsi que ses fils Alaa et Gamal seront prochainement entendus par la justice dans le cadre d'enquêtes portant sur des détournements d'argent public et sur la répression des manifestations anti-Moubarak, lors desquelles 840 personnes ont été tuées. S'ils refusent de comparaître devant le parquet, à une date qui reste à déterminer, « des mesures légales seront prises », a-t-il précisé, évoquant une possible arrestation conformément à la loi.

L’inquiétude est grande chez les Egyptiens, qui réalisent que la révolution est loin d’être terminée.

samedi 9 avril 2011

La Bourguiba mania fait son grand retour en Tunisie


La célébration de l'anniversaire de son décès revêt cette année, un caractère spécial, dans le cadre de la réhabilitation du « combattant suprême », qui a conduit à l’indépendance du pays en 1956.

L’événement en Tunisie cette semaine est sans aucun doute, la célébration en grande pompe du 11ème anniversaire de la mort du père de l'indépendance Habib Bourguiba. Une première après 23 ans de règne de Zine El Abidine Ben Ali qui, après l'avoir destitué en novembre 1987, s'était attaché à l'effacer de l'Histoire.

En cette année 2011, au moment où la Tunisie s’apprête à écrire une nouvelle page de son Histoire, l’héritage de Bourguiba est très présent. L’ancien leader semble susciter un engouement sans précédent depuis la révolution du 14 janvier. Même s’il reste un personnage controversé, idolâtré par les uns, et décrié par les autres, celui qu’on nommait le « combattant suprême » arrive, onze ans après sa disparition, à fédérer. Comme s’il fallait pour reconstruire une unité, que les Tunisiens se retrouvent autour de valeurs sûres.

En effet, Bourguiba a su fédérer toutes les volontés tunisiennes et il a su forcer toutes les résistances, tribales, religieuses, culturelles, pour propulser le pays dans la modernité. En témoigne l’unanimité qui se dégage autour de l’une de ses réalisations phare, l’émancipation de la femme, et la promulgation du Code du Statut Personnel (CSP). "C'est l'homme qui a bâti la Tunisie moderne. Son cursus n'est certainement pas exempt de zones d'ombres, mais globalement c'est un parcours très positif", explique à l'AFP le ministre de l'Education Taieb Baccouche.

Mais l’homme suscite encore des critiques. La plupart de ses « détracteurs » l’accusent d’avoir été le théoricien, voire le praticien de la dictature. Il est vrai que par son narcissisme démesuré et le culte de sa personnalité, Habib Bourguiba a institué un régime monolithique, qui a vite dévié au despotisme avec l’institution de la présidence à vie en 1975. La fin de son règne (1978 à 1987), a plongé le pays dans le chaos économique et politique, enfantant ainsi les dérives du Bourguibisme : le régime de Ben Ali. Pour le journaliste tunisien Ali Laïdi Ben Mansour « l’Histoire retiendra que la vraie nature de l’organisation du pouvoir sur laquelle s’est appuyé Ben Ali a été mise en place par Bourguiba ».

Or, le temps semble reléguer peu à peu les dérives autoritaires de Bourguiba aux oubliettes, surtout quand on les compare à celui de son successeur. Et à l’heure de la révolution 2.0 que vient de connaître la Tunisie, le premier Président de la République tunisienne, fait fureur sur le web. D’innombrables vidéos de ses discours refont surface sur Facebook et YouTube. C’est que les conceptions visionnaires, ses discours fleuves à la verve unique, semblent presque faire l’unanimité, en cette période jugée incertaine, en proie à une stabilisation politique et sociale vacillante.

La jeunesse tunisienne révolutionnaire se plonge dans l’ère bourguibienne comme pour comprendre comment la Tunisie a basculé dans le règne de la médiocrité 23 ans durant.

jeudi 7 avril 2011

#CIVSOCIAL - Twitter au secours des Ivoiriens

En Côte d’Ivoire, les réseaux sociaux n’ont jamais aussi bien porté leur nom. Sur Twitter, grâce au hashtag #civsocial une assistance pratique a été mise en place afin de venir en aide aux victimes et de relayer les appels d’urgence des habitants d’Abidjan.

Très rapidement sur le fil #civsocial, les messages de malade en manque de médicaments, des femmes enceintes sur le point d’accoucher ou encore des blessés à la recherche d’un médecin en urgence se multiplient. Les habitants d’Abidjan s’en servent également pour échanger des informations sur la présence de pilleurs dans la ville.

Guy Manasse, le créateur du haschtag, explique à RFI : « Ayant constaté une dégradation dans l’usage de #civ2010 de la part des partisans des différents partis politiques, j’ai décidé de créer un nouveau fil plus utile et plus positif. »

Face à ce succès, l’ONG ivoirienne Akendewa a décidé d’ouvrir un service de Call Center au Ghana. L’objectif de cette opération Call center est de fournir un centre téléphonique de gestion d’urgence pour les victimes en Côte d’ivoire. En effet, les SMS sont suspendus depuis plusieurs semaines et les populations se retrouvent dans l’impossibilité de recharger leurs lignes téléphoniques.

L’idée est de permettre de joindre facilement et gratuitement des numéros spéciaux pour toute urgence, pour ensuite les diffuser sur Twitter ou elles sont orientées vers des personnes pouvant les aider.

Pour se porter volontaire, il suffit d'envoyer un mail à contact@akendewa.org avec pour objet : Volontaire #civsocial. (Source France 24)