dimanche 20 janvier 2013

« Tunisie : deux ans après la révolution, quel bilan, quelles perspectives?


Samedi 19 janvier était organisé une table ronde à HEC Paris autour du thème « Tunisie : 2 ans après la révolution quel bilan, quelles perspectives? ». Cette table ronde a réunie des personnalités politiques ou de la société civile telles que : Khelil Ezzaouia,ministre des Affaires Sociales, Emna Mnif présidente de l’assocation Kollna Tounes, Aziz Krichen ministre conseiller à la Présidence, Zied Ladhari député Ennahda de la Constituante, Samir Taieb député Massar de la Constituante et Mahmoud Ben Romadhane membre du parti Nidaa Tounes.


Chaque intervenant a fait un bilan partisan sur la Tunisie post-révolution. Mais en aucun cas, ils ont parlé des perspectives d’avenir avec des projets politiques concrets. Le plus frappant était le pessimisme qui régnait dans leurs discours. Pas très rassurant !
La conférence était divisée en 3 parties : le bilan, la constitution et question/réponses avec le public (une cinquantaine de personnes.)

·         1er partie : le bilan

Samir Taieb (El Massar) : « On a fait beaucoup et pas assez à la fois. Les Tunisiens jouissent des libertés mais elles sont encore fragiles. » « Ce qui m’inquiète le plus c’est la montée de la violence. Ce phénomène est étranger à la Tunisie. Cessons de faire peur aux Tunisiens et mettons-nous au travail ! »

Mahmoud Ben Romdhane (Nidaa Tounes) : « Le peuple tunisien a parachevé l’une des demandes les plus essentielles : la liberté. » « L’ancien gouvernement a su mettre en place des institutions transitionnelles (élections, justice). »
 « Il n’y a aucun indicateur qui montre qu’Ennahda veut des élections libres et indépendantes.» « On a pas de justice transitionnelle alors qu’on a un ministère à son nom.  Et actuellement, nous avons une instrumentalisation des mosquées et des groupes paramilitaires qui vivent dans la totale impunité.»
M.Ben Romadhane attaque Ennahda et tien un discours plus que pessimiste sur la Tunisie : « c’est un gouvernement d’incapables et d’incompétents. Ils sont responsables de la détérioration de l’administration. »

Khelil Ezzaouia : « On a eu une campagne électorale qui s’est beaucoup appuyé sur le discours populiste. Donc non, je ne suis pas surpris de la situation actuelle, c’était prévisible. Il y a des difficultés, des incertitudes. Tous les partis cherchent le consensus pour le bien du pays. »

Emna Mnif  (Kollna Tounes) : « Je suis déçue par le rendement  de la famille démocrate. Les Tunisiens réunis autour des mêmes valeurs identitaires sont désarçonnés par la prestation squelettique d’une opposition qui se soucie de sa position sur l’échiquier national et est incapable de satisfaire aux aspirations du peuple axées sur la liberté, de dignité et le bien-être. »
« Le clan démocrate n’a pas réussi à s’imposer et représenter l’alternative. Le point négatif : un débat politique non constructif entre les différents partis. Si le débat est rompu, la faute est partagée. Mais plus à la charge du gouvernement. »
« Il ne faut pas embellir la première phase de la révolution et n’ayons pas la mémoire courte parce qu’on se sent plus proche d’un coté de que de l’autre. »

Aziz Krichen (CPR) : « Depuis le 14 janvier, tout le monde est révolutionnaire, y compris les gens de l’ancien régime. Et cette révolution, nous l’avons faite sans les élites. » « Notre élite a regardé passer la révolution comme les vaches qui regarde passer les trains (rire dans la salle).»
« Il y a un grand décalage entre les attentes et le rendu. Pas de projet commun entre les élites et ils s’étripent au nom de la liberté et de la démocratie. Je parle surtout des partis en tant que capacité d’encadrement. »

Zied Ladhari (Ennahda) : « On est en train de faire une expérience psychanalytique. Après une situation de déni, nous découvrons la vraie Tunisie. » Il regrette ce qu’il appelle la dichotomie vis-à-vis de la situation politique, « nous sommes capables d’offrir quelque chose de bien à ce peuple, autre que le spectacle pathétique qu’on observe. »
« Il y a une volonté d’harceler ce gouvernement qui est devenu une cellule de crise permanent .On fait des procès d’intention à certains députés, on dramatise et on joue sur les peurs des Tunisiens par rapport au draft de la constitution. »
Il défend le bilan de la Troïka : « La Tunisie est un des rares pays du bassin méditerranéen à avoir un taux de croissance positif. » Normal puisque en 2011 il était de 0%.

·         2 e partie : la constitution

Emna Mnif : Elle répond à Zied Ladhari : « il est tout à fait normal que ce gouvernement soit un gouvernement de gestion de crise. Ce qu’il ne l’est pas en revanche, c'est qu’il n’est pas réactif vis-à-vis des critiques. » Elle déplore l’absence de l’universalité des Droits de l’Homme dans la constitution et de la liberté de conscience.
« Il ne faut pas que la question des libertés passe à la trappe dès qu’on arrive a un consensus sur le régime politique.  Cette constitution est train d’être rédigée sur un malentendu. »

Samir Taieb : « Sur la nature du régime politique, il n’y a pas de consensus. Nous assistons à une vraie bipolarisation entre Ennahda et nous les démocrates. » « Les travaux en commissions se sont bien passées, bien mieux que dans les séances plénières. Il reconnait néanmoins qu’a «  l’ANC il n’y a pas de dialogue. »

Aziz Krichen : Il défend le régime mixte. « Il ne faut pas essayer de copier les modèles étrangers mais trouver un modèle propre à notre réalité. » « Le problème réel est de faire en sorte que le chef Exécutif ait suffisamment de pouvoir. De même, pour le chef du gouvernement afin de ne pas concentrer le pouvoir entre les mains d’un seul homme. »

Khelil Ezzaouia : « Inscrire l’universalité des droits de l’Homme implique l’égalité dans l’héritage et  des droits aux homosexuels. Ces débats n’ont pas eu lieu en Tunisie. » Colère dans la salle. Emna Mnif rugit et réplique : « les préceptes universels des Droits de l’Homme ne sont en aucun cas en contradiction avec la religion ! » (Applaudissement dans la salle).
Le ministre évoque  les tractations  en cours en vue du prochain remaniement. Selon lui, un compromis reste envisageable, à défaut, le risque que la troïka se disloque n’est pas à écarter, ce qui suppose un changement de la donne politique qui fera trébucher davantage le processus de transition démocratique. « Nous sommes en crise, la Troika risque d’éclater ! Nous sommes dans une impasse politique ! »

Zied Ladhari : « Il faudrait réfléchir sur la philosophie du régime politique. » « Il n’y a pas deux exécutifs : il faut que le gouvernement gouverne et que le président arbitre. La question du pouvoir exécutif est très politisée et traitée comme un partage de gâteau. » « On n’a pas le choix, on doit dialoguer et je ne peux que regretter le niveau de clivage dans la scène politique. Le dialogue ne meurt jamais et on continue à espérer sa concrétisation. » Il cite l’accord  entre le gouvernement et l’UGTT.
« Dans cette situation, il faut un gouvernement d’union national. Refuser ce schéma représente une grave erreur, du coté de l’opposition comme coté du gouvernement. » Il rappelle a Samir Taieb, qu’il y a eu une proposition de  gouvernement d’union national après le 23 octobre et qu’ils l’ont refusé.

·         3e partie : questions du public

Le sujet principal des questions portait sur la montée de la mouvance salafiste en Tunisie (surtout suite au reportage d’Envoyé Spécial).

Zied Ladhari : « le salafisme est un réel danger, Ennahda se démarque de ce phénomène. Il y a certes un problème salafiste en Tunisie mais n’en exagérons pas l’importance, nous ne sommes pas menacés par l’émergence proche d’une république islamiste ! »
« Je tiens à signaler devant vous que la Ligue de la Protection de la Révolution n’a jamais été et ne sera jamais liée au parti Ennahdha. Il s’agit là de rumeurs que certains se plaisent à colporter pour ternir la réputation d’un parti populaire. »

Emna Mnif : Elle considère que la montée recrudescente de cette mouvance extrémiste est la résultante de la dégradation de l’environnement culturel suscitée par la médiocrité promue par Ben Ali. « La meilleure façon d’éradiquer ce danger est la sensibilisation, l’encadrement et la réhabilitation du facteur culturel. » « La Tunisie n'a pas de problème avec l'Islam mais avec un certain type de l'Islam radical. »

Bref, aucun des intervenants n’a tenu un discours rassurant sur la situation en Tunisie !

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