samedi 13 avril 2013

Bousculé à l’IMA, le Président Tunisien a insisté sur le consensus


« On s’en fiche de votre démocratie! », hurle une Tunisienne en colère à Moncef Marzouki. C’est dans une ambiance électrique que le Président Tunisien a présenté son livre L’invention dans la démocratie à l’Institut du Monde Arabe. Une centaine de personnes sont venues, d’autres n’ont pas pu entrer la salle étant au complet, de simples citoyens ont même été refoulés soupçonnés d’être des opposants au Président ; parfois sur l’unique base de statut Facebook.
Sur la démocratie, le Président Tunisien a voulu rassurer son audience : « Je suis un militant des Droits de l’Homme, je ne suis contre personne. Ça me permet de relativiser les problèmes, même s’il y a des violences politiques, la transition démocratique en Tunisie est la plus rapide et la moins coûteuse en vie humaine. » précise t-il avec fierté.
Il a insisté sur le consensus, selon lui vital pour la Tunisie : « Dans nos pays, il n’y a pas d’autres alternatives que le consensus. Sinon c’est l’affrontement! » a-t-il affirmé. « On ne peut pas faire une démocratie avec des extrêmes de tous les cotés ». Sur la coalition avec Ennahda, le parti islamiste qui est très critiqué depuis la mort de l’opposant Chokri Belaid assassiné le 6 février dernier, M. Marzouki s’est justifié : « Il était clair qu’on devait faire une alliance avec Ennahda. Sinon le pays rentrait dans une grande paralysie ». Il explique qu’en tant que Président son devoir est de recevoir tous les représentants de la vie politique tunisienne, de les appeler au calme : « Je reçois tout le monde de Beji Caïd Essebsi (ndlr: ancien Premier ministre du gouvernement provisoire) aux salafistes. »
A ceux qui s’en inquiètent, il explique qu’il est indispensable que les Tunisiens continuent de se parler dans le respect et c’est pourquoi, il a dialogué avec les extrémistes : « Avant de condamner il faut comprendre le mouvement salafiste. C’est une idéologie d’extrême-droite nourrie par la misère sociale ». Il a, d’ailleurs, déclaré avoir renoncé au terme laïc craignant d’être associé par ses compatriotes à un athée. La laïcité étant pour certains assimilée à l’athéisme.
La conférence a été perturbée au début par les Femen et à la fin lors de l’échange final avec le public, le Président a été interpellé violemment : « dégage », « vendu » ou « au Qatar » a-t-il pu entendre. Une partie de la salle a pris à parti ces contestataires particulièrement en colère regrettant le manque de respect dû à un Président. C’est dans une ambiance survoltée que s’est éclipsé M.Marzouki prenant aussi garde à éviter les manifestants qui l’attendaient dehors.
Fella Adimi & Olfa Khamira

Les Tunisiens de Paris en colère contre leur Président


Une centaine de Tunisiens se sont rassemblés à quelques dizaines de mètres de l’Institut du Monde Arabe où avait lieu une conférence avec le Président de la Tunisie, Moncef Marzouki. L’ambiance est bon enfant, nombreux sont ceux qui se saluent ; ils se retrouvent, se reconnaissent désormais habitués aux rassemblements parisiens.
Sur fond de chants patriotiques, de youyous ou de « dégage »,  les Tunisiens brandissent des pancartes critiques : « Marzouki menteur », « Marzouki le pantin ». Ils reprochent à M. Marzouki d’être absent et d’avoir un double discours, l’un pour le Qatar, l’autre pour l’Europe. Les manifestants crient : « Le Peuple veut une nouvelle révolution, le Peuple veut la dignité ».
Ils demandent en arabe, en français et même en anglais, qui a tué Chokri Belaid, l’opposant politique qui a été assassiné le 6 février dernier. « Cet homme n’est pas un président » ou encore « Un président qui écrit c’est bien, un président qui préside c’est mieux » peut-on lire sur une autre pancarte, en référence au livre qu’est venu présenter le Président Tunisien: L’invention de la démocratie. D’autres écriteaux se veulent humoristiques : « C’est bien le guignol » ou encore le désormais célèbre : « Allo, non mais t’es un président et t’as pas de pouvoir, allo non mais allo quoi ! ».
Un homme à la cinquantaine se balade la corde au cou, il explique avoir compris que M. Marzouki voulait pendre les laïcs lors d’une déclaration qu’il a faite à la chaîne qatarie Al-Jazira, le 25 mars dernier : « S’il vient à l’idée des extrémistes laïques de chercher à s’emparer du pouvoir, on dressera les potences et des guillotines et il n’y aura pas de sages, comme Moncef Marzouki, Mustafa Ben Jaafar ou Rached Ghannouchi pour prôner la modération, le dialogue ou la réconciliation nationale ». Une phrase qui a choquée les Tunisiens, M.Marzouki expliquera en conférence que ses propos ont été mal interprétés.
Une crise politique touche la Tunisie depuis l’assassinat de Chokri Belaid, les Tunisiens s’inquiètent de cette période post-révolte et s’impatientent deux ans après la chute de Ben Ali tant le pays est sclérosé par des disputes internes et instable politiquement et économiquement.
Mais si l’économie reste la principale préoccupation des Tunisiens de Tunisie, elle n’était pas la revendication première des manifestants parisiens qui  ne vivent pas en Tunisie et ne subissent pas les difficultés économiques au quotidien. Les protestataires se séparent, déçus de ne pas avoir pu être aperçu par le Président mais contents de s’être retrouvés, l’un d’eux explique à la fin du rassemblement: « ça fait du bien, c’était bien! ».
Fella Adimi & Olfa Khamira