vendredi 13 janvier 2012

Tunisie An I: que reste-t-il des promesses de la révolution?


Le 14 janvier 2011, après 23 ans de dictature, Zine el-Abidine Ben Ali était chassé du pouvoir à l’issue d’un mois de manifestation populaire inédite. Première révolution du « Printemps arabe », c’est aussi celle qu’on juge souvent la plus aboutie. Or, a-t'elle tenue ses engagements?

La Tunisie s’apprête à souffler, la première bougie du renversement du président Zine el-Abidine Ben Ali. Une année après la fuite du dictateur, les Tunisiens ont appris les règles du jeu démocratique. Pourtant, la situation économique alarmante et les tentatives de contrôle de l’État par le parti islamiste Ennahdha sont loin d’être rassurantes. Moins d’un mois après la formation du gouvernement, le pays peine a retrouver sa sérénité. Alors que reste-t-il des promesses de la révolution ?

Premier constat depuis l’exil saoudien de Ben Ali, le pays a changé. En octobre dernier, le peuple tunisien a participé à ses premières élections libres de son Histoire. Si le parti islamiste Ennahda est sorti vainqueur de ce scrutin, c’est un "modéré laïc", Moncef Marzouki, un médecin farouchement opposé au régime Ben Ali, qui a été élu à la présidence par l’Assemblée nationale constituante formée suite à ces élections. Or depuis, l’opinion publique s’inquiète de l’improvisation et les mauvais débuts du gouvernement du nahdaoui Hamadi Jebali. En effet, Ennahda n’a pas élaboré de programme économique révolutionnaire, aucune rupture par rapport au régime Ben Ali. Et personne ne sait combien de temps ils vont rester au pouvoir puisque le mandat de la constituante n’a pas encore été décidé.

Mais aujourd’hui, les Tunisiens attendent toujours de récolter les fruits de leur révolution. Le chômage n’a pas baissé, la sécurité n’est toujours pas assurée, aucun des rêves ne s’est réalisé. Les défis à venir continuent de mitiger les succès d’une transition plutôt réussie et illustrée par la mise en place d’institutions légitimes. En effet certains « vices » qui caractérisaient et ont entraîné la chute de l'ancien régime sont toujours là: corruption, chômage et manque d'expérience démocratique.

Deuxième constat, le pays est au bord de la faillite et peine à se relever. La délicate situation économique et la hausse importante du nombre de chômeurs ne rassurent pas la population. Les manifestants, galvanisés par les succès et par l’assurance qu’ils peuvent peser dans le débat public, ne quittent plus la rue. Pas de jour sans manifestation, ni sans grève. Quel que soit le domaine, les demandes sont innombrables et les attentes immenses.
Pour que l’on puisse évaluer la révolution tunisienne, il faut prendre en compte la situation des régions de l’intérieur qui ont déclenché le mouvement. Un an plus tard, elles se retrouvent dans la même situation économique et sociale, voire pire. Le nouveau président Moncef Marzouki a lui-même évoqué un risque de « suicide collectif » si la situation économique ne se redressait pas.

D’ailleurs le phénomène d’immolation n’a cessé d’augmenter. Au cours des six mois qui ont suivi la mort de Bouazizi, au moins 107 Tunisiens ont tenté de se suicider par immolation, rapporte la BBC. Elles correspondent à un cri de détresse de personnes désespérées qui souhaitent attirer l’attention sur la situation économique catastrophique des régions du centre. La différence avec le suicide de Mohamed Bouazizi, c’est qu’aujourd’hui ce ne sont plus des jeunes mais des pères et des mères de famille qui s’immolent.

La plupart des Tunisiens estiment cependant qu'il sera difficile de revenir sur une liberté d'expression chèrement acquise. Le nombre de médias, de partis politiques et d'associations constitue "un bon indicateur" de la vitalité démocratique en Tunisie.
Si la liberté demeure aujourd'hui incontestablement le premier acquis à conserver, l'économie et la croissance sont indispensables pour garantir la survie de la révolution.

1 commentaire:

  1. Un article résumant la réalité tunisienne.
    La maturité est encore absente sur le plan social et politique (et sans cette maturité, on ne pourra redresser l'économie), mais la liberté a été incontestablement acquise.

    Souvent, cette liberté d'expression se métamorphose en liberté d'insulter, et c'est fort regrettable. D'un autre côté, il serait hypocrite de notre part, en tant que citoyens tunisiens, de s'attendre à ce que le gouvernement vienne résoudre l'intégralité de nos problèmes. La dignité nous en interdit.

    L’élection d'Ennahdha a été l'ultime bourde de cette révolution. Rached Ghannouchi, soutenu par son entourage, a été un des opposants historiques du régime Ben Ali, mais c'était pour les mauvaises raisons.
    La réaction tunisienne a toujours été lente mais elle viendra. Après tout, le temps finit toujours par mettre au jour les motifs et la vérité de tout un chacun. Néanmoins, je regrette que ça n'arrive qu'après que tant d'innocents en fasse les frais.

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