L’air hagard et fatigué, les migrants tunisiens sont des dizaines à errer dans les rues du 19ème arrondissement de Paris depuis que la police les a chassés la veille, mercredi, du parc de la Villette. Ces Tunisiens fraîchement arrivés de Lampedusa sont dispersés dans les rues et les parcs du nord est parisien.
Sami* et Farid* sont arrivés dans la capitale il y a une quinzaine de jours. Ils ne parlent pas français. Pour ne pas attirer l’attention de la police et des riverains, ils évitent d’être dans des groupes. Farid vit dans un foyer associatif, il ne parvient pas à joindre des membres de sa famille : « depuis que je suis arrivé, j’appelle mais je tombe sans arrêt sur messagerie. » dit-il avec amertume. Son ami habite chez son frère à Belleville. Mais nombreux sont les migrants qui dorment dehors.
Ces amis d’enfance originaires de Zarzis dans le sud de la Tunisie ne sont pas venus ensemble. « J’ai fait le voyage avec la journaliste qui a fait un reportage pour Envoyé Spécial » dit Sami qui parle d’un périple éprouvant. Pour Farid, la traversée a été longue, il a mis 48 h pour atteindre Lampedusa.
Suite aux troubles qui ont précédé la fuite de Ben Ali le 14 janvier dernier, Farid s’est évadé de prison. Il restera vague sur les raisons de son incarcération mais il est sûr de lui :
« je ne retournerais plus jamais en Tunisie. Du moins tant que la justice restera la même » confie t-il. Le jeune homme a trop peur de son passé.
Arrivé dans le pays des droits de l’Homme, ils n’imaginaient pas un accueil et des conditions de vie aussi rudes. Ils ne se doutaient pas non plus que leur quotidien serait fait de faim et de misère. Ils espèrent trouver du travail rapidement pour retrouver une certaine dignité et mettre fin à ces longues journées de marche dans Paris pour échapper la police.
Deux hommes appartenant à la secte des Témoins de Jéhovah sont allés à la rencontre de ces sans papiers. Les deux jéhovistes prêchaient en arabe auprès de ces Tunisiens perdus. Farid et Sami n’ont jamais entendu parler de cette religion. « Ils croient qu’on va devenir chrétiens » plaisante Farid. « Les Tunisiens ne tomberont pas dans ce panneau ».
Depuis la révolution, plus de 20 000 personnes ont quitté la Tunisie pour rejoindre l’Europe. Des migrants de sexe masculin pour la plupart mais aussi des femmes. D’après de nombreux témoignages, certaines villes du Sud tunisien se sont vidées de leurs hommes. Face à cette nouvelle vague migratoire, la France et l’Italie ont vu leurs relations se tendre. Les deux pays demandent à l’Union Européenne une révision de l’accord de Schengen.
Olfa Khamira & Fella Adimi
Aussi disponible sur le blog de Fella Adimi : http://fellaadimi.wordpress.com/
* Les prénoms ont été modifiés
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